Cradle of Filth - The Manticore and Other Horrors

On n'attendait plus grand chose de Cradle of Filth. Les grands albums semblaient de plus en loin à mesure que le groupe s'enfonçait dans une musique moins extrême, moins caractéristique et plus lisse, heavy et commerciale. Que les derniers opus aient été passables, sympathiques ou franchement mauvais, peu d'espoir était permis quant à un réveil subit de la formation et un retour aux sources. Ce "The Manticore and Other Horrors" ne dérange malheureusement pas à large, même s'il s'avère plutôt agréable à écouter et relativement plaisant. 

Reconnaissons-le immédiatement, la voix de Dani Filth est bel et bien morte. Tout au plus hurlera-t-il de-ci delà comme au bon vieux temps ("The Abhorrent", "Illicitus"), mais il s'avère incapable de chanter de cette manière. Préparez-vous donc à une voix rauque mais intelligible, pas extrême pour un son, qui perd en expressivité ce qu'elle gagne en compréhensibilité. Une fois le choc passé, on pourra aisément se laisser prendre à jeu et à la musique proposée sur cet album. Le programme n'a rien d'innovant : deux instrumentaux Ambient ouvrent et ferment l'album, comme à l'accoutumée, et le plus intéressant des deux est le dernier, "Sinfonia", qui renoue bien trop tard avec le grandiloquent que l'on appréciait tant. Entre ces deux pistes, une dizaines de pistes d'une durée comprise entre 4 et 6 minutes, ce qui est bien peu comparé à ce à quoi nous étions habitués : pas de morceau à tiroirs épique ou de grande suite bordélique, c'est déjà un mauvais signe. Ceci dit, la plupart des morceaux proposés sur l'album est plutôt bonne et se laisse tout à fait écouter. On retiendra "The Abhorrent" et "For Your Vulgar Delectation", aux riffs sympas et au rythme entraînant, avec quelques passages mid tempos un brin plus gothiques, ce qui fait du bien et rappelle le potentiel du groupe et ses glorieuses heures. Deux autres titres remarquables, "Manticore" et son passage très intéressant, avec choeurs et solo d'instrument oriental qui apporte un peu d'originalité, ou encore le morceau au titre le plus délirant de l'album, "Huge Onyx Wings Behind Despair", le morceau le plus proche de l'esthétique originelle du groupe, malgré sa courte durée. Les autres chansons sont des ballades ou semi ballades gothiques à la Cradle Of Filth, avec soupçons de chant féminin, proche de ce qui était proposé sur "Nymphetamine", en moins bien et complètement dépourvu de chair.

Le mix est excellent, du genre qui aurait été apprécié sur les albums d'il y a 15 ans pour rendre justice à leur complexité musicale, mais ici il ne fait que renforcer l'impression de banalité de la musique : guitare / batterie très en avant, claviers et chœurs discrets et en retrait. Cradle of Filth livre un album honnête de Heavy speed efficace, mais dont le manque cruel d'originalité et de saveur nous fait amèrement regretter une époque définitivement révolue. Restent alors des textes toujours savamment ornés de mots curieux, et un bestiaire truculent de monstres et autres créatures de la nuit.