Grave

Le constat est assez déprimant : le cinéma de genre francophone est en triste état. Les réalisateurs qui tentent cette aventure doivent gérer des budgets ridicules pour des oeuvres qui finiront la plupart du temps mal distribuées en salles, avec l'excuse du "mais le cinéma de genre français n'intéresse personne". Bref, on est bien loin d'une vague d'oeuvres comme "Haute Tension", "Calvaire", "A L'intérieur" ou "Martyrs", souffrant déjà de la distribution mais dont la réputation sulfureuse leur permettait une certaine mise en avant. Et c'est là qu'arrive "Grave".

Justine est une jeune fille commençant des études de vétérinaire. Lors de son baptême, elle se voit forcée de manger un rein de lapin alors qu'elle est végétarienne. Peu à peu, elle développe une envie de viande mais d'un type particulier...

Dès sa première séquence, la réalisatrice nous prend par un champ contre champ simple et efficace. Sa mise en scène fera preuve du même talent tout au long du film. Que ce soit lors d'un plan séquence transformant Justine en une "Alice au pays du baptême" ou dans son plan final renversant justifiant le propos de son oeuvre, Julia Ducournau filme avec sincérité, simplicité mais avec beauté aussi. Elle joue sur une violence clinique qui évite au récit de basculer dans le grand guignol à la "Saw", ce qui rend cette même violence plus prégnante.

Si l'on est touché également par ce film, c'est grâce à la prestation de ses acteurs et plus particulièrement Garance Marillier. Il y a une justesse et encore une sincérité dans cette actrice qui nous permettent une totale empathie pour Justine. Cela aide également à la suivre dans sa descente cannibale, comme en réaction face à une forme de pression sociale générée par son entourage jusqu'à un retournement génial qui étoffe cette lecture de manière plus intéressante encore.

Au vu de son synopsis, "Grave" aurait pu être une vague bande horrifique cannibale oubliable et simplement gore. Julia Ducournau en tire un des meilleurs films de l'année, un des meilleurs films de genre récents et tout simplement une grande oeuvre sincère, vivante, qui devrait mettre en avant sa réalisatrice et Garance Marillier, déjà deux des plus grands talents du cinéma français actuel.