L'Homme Qui Rétrécit
C’est peu dire que d’affirmer aujourd’hui que la saga initiée par Chéri, j’ai rétréci les Gosses a marqué mon enfance profondément. Avant de découvrir les Toy Story, combien de temps ai-je passé à m’imaginer affrontant le monde actuel à une taille beaucoup plus réduite, faisant du doux quotidien que l’on connaît un combat de tous les instants (ou pour d’autres, un refuge salutaire à l’abri du monde extérieur). Un tel concept fait rêver, et c’est bien à ce premier dessein qu’aspire L’homme qui rétrécit, chef d’œuvre du film fantastique, diablement ambitieux avec ses effets spéciaux. J’ai eu la chance de le découvrir sur grand écran (les vidéoprojecteurs changent vraiment les conditions de visionnage d’un film), et le spectacle ne manque pas d’ampleur. Un classique à (re)découvrir d’urgence !
L’histoire : un homme nommé Scott Carey est en contact au cours d’une sortie en mer avec un mystérieux nuage radio-actif. Une fois de retour chez lui, il se rend compte qu’il rétrécit peu à peu, sans que le phénomène semble se stabiliser.
L’homme qui Rétrécit a le talent de jouer sur plusieurs tableaux. D’abord, il s’assume parfaitement comme un pur produit des années 50, tant au niveau de l’ambiance (mode de vie banlieusard…) que des personnages (héros blanc et blond plutôt musclé, épouse aux cheveux frisés…). En cela, il conserve un certain charme de l’époque, souligné par la naïveté de la cause de la mutation (« les radiations », ça n’explique pas tout aujourd’hui). Mais il tente de conserver un rythme réaliste, et avant de faire vraiment rapetisser son héros, le réalisateur en fait un freak. Un phénomène de foire consulté fréquemment par la science pendant quelques temps. Le suivi psychologique du héros et de son entourage est alors très juste, ces derniers étant peu à peu excédés par la popularité malsaine de son mal. Mais son cas demeurant sans solution, le public se désintéresse rapidement de son sort, un discours qui s’applique encore admirablement à l’information de nos jours (le renouvellement quotidien de l’information pour relancer le public sur du sensationnel, quitte à délaisser les problèmes difficiles). En cela, l’introduction est plutôt engageante, osant d’ailleurs une rencontre entre l’homme qui rétrécit et une naine à peine plus grande que lui , sans toutefois pousser plus loin la possible intrigue sentimentale, ce rendez-vous inattendu permettant surtout de mettre un peu de baume au cœur de notre héros.
Puis vient enfin le segment tant attendu, où notre héros, attaqué par le chat de la maison (une séquence admirablement réussie d’un point de vue effets spéciaux), passe pour mort alors qu’il tombe dans la cave de la maison. Incapable d’appeler à l’aide ou de remonter au grand jour (l’escalier étant infranchissable, l’homme se retrouve alors poussé par la logique de la survie. Trouver à boire, où dormir, et à manger. Des problèmes pas si évidents à résoudre que ça dans une cave. D’autant plus qu’elle abrite quelques petites bêtes qui sont loin de considérer comme un prédateur. La petite faute de goût de ce film, c’est d’avoir utilisé une mygale pour illustrer le concept de l’araignée (ça fait vraiment un peu trop gros). Mais dès que le spectateur fait un effort pour voir une araignée au lieu d’une tarentule, la sauce prend, et c’est peu à peu un combat titanesque qui s’engage sous nous yeux émerveillés. Le fil redouble d’inventivité et de rebondissements pour pimenter son histoire de survie, dont le rythme, semblant légèrement plat, se révèle plutôt payant, l’immersion étant favorisée par les démarches logiques du héros et des effets spéciaux bluffant, parvenant à merveille à créer l’illusion du rétrécissement.
En ça, le film de Jack Arnold se révèle particulièrement réussi, puisqu’il parvient a recréer le goût de l’aventure alors que nous sommes dans un univers familier et parfaitement connu, et nous offre en dernier acte un combat haut en couleur (enfin… en noir et blanc) opposant deux adversaires déterminés, dont le rendu des effets spéciaux parvient encore à faire illusion de nos jours. La conclusion, petite merveille de relativisme à l’échelle des astres, se permet d’effectuer un postulat assez énorme en spéculant sur le rétrécissement du héros à l’échelle de l’atome, s’interrogeant sur son devenir, seul sur un astre qui grandit un peu plus chaque jour, à l’image de l’univers qui s’étend lui aussi. Des images célestes qui tentent une réflexion relativisant le concept de taille à l’échelle cosmique, je me demande ce qu’on aurait pu trouver de plus habile pour clore un sujet pareil. Bien dommage de l’avoir découvert aussi tard, c’est un indispensable d’une richesse incroyable, qui plus est adaptée aux goûts de l’ensemble de la famille. A voir sans hésiter !