Predator - Badlands
Décidément, depuis le rachat de la Fox par Disney, les licences Alien et Predator n’ont jamais été aussi vivantes ! Côté chasseurs rastas, on a eu en quelques années à peine Prey, le préquel centré sur une guerrière amérindienne, puis Killers of Killers, film d’animation à sketchs, et maintenant ce Badlands — tous trois réalisés par Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane). Mais à force d’enchaîner les sorties, ce nouvel opus parvient-il à trouver sa propre identité ? Ou bien n’est-il qu’un épisode de transition, pensé avant tout pour teaser les prochains volets, dans la lignée de la “marvellisation” des deux sagas ? Voyons voir ça.
Dès les premières minutes, Predator - Badlands affiche ses ambitions. Pour la première fois, on quitte la jungle terrestre pour plonger au cœur du monde des Yautjas, ces chasseurs mythiques qu’on ne connaissait jusqu’ici qu’à travers leurs trophées et leurs victimes. Et rien que pour ça, le film mérite d’exister.
J’ai adoré découvrir leur planète, leur société, leur hiérarchie — même si on n’en voit que très peu. Le film prend enfin le temps de montrer ce qu’être un Predator veut dire, et pas seulement de le laisser en arrière-plan comme une menace invisible. Rappelons-nous qu’auparavant, tout ce qu’on avait vu, c’était cet unique plan de la planète dans Alien vs Predator 2. Ici, sans tout désacraliser, le film nous en montre suffisamment pour qu’on comprenne, tout en gardant une part de mystère.Le film étant majoritairement sous-titré (les Yautjas ne parlant que leur propre langue), des linguistes ont été mis à contribution pour créer un véritable langage (les même sque sur Avatar), et plus seulement quelques mots isolés. On sent donc l’effort des auteurs pour donner un univers cohérent et crédible.
Ajoutez à cela de nouvelles créatures, des décors exotiques, une direction artistique qui lorgne du côté de la SF pulp des années 80 tout en restant moderne… tout en renouant avec la saga Alien, située dans le même univers mais séparée à l’écran depuis presque vingt ans. Vous la sentez, la perspective du nouveau crossover ? Autre grande nouveauté : pour la première fois, le héros du film est un Predator lui-même. Et ça, franchement, c’est un pari réussi.
On suit Dek, un jeune Yautja en disgrâce, banni après un échec de chasse, qui doit reconquérir son honneur. Ce renversement de perspective donne un souffle inattendu à la saga : pour une fois, ce n’est plus une question de survie humaine, mais de survie culturelle. J’ai trouvé le personnage plutôt attachant. Derrière son masque et ses grognements, on perçoit la peur, la honte, la fierté. L’écriture joue habilement sur ces émotions sans jamais trahir la nature du personnage. Il faut simplement prêter attention aux tenues des différents Yautjas pour les distinguer à l’écran — pas toujours évident ! On est presque face à un coming of age version alien. La relation entre Dek et Thia, une androïde humaine, apporte un équilibre intéressant : c’est à la fois un duo de survie et une réflexion sur la conscience. Entre la machine qui apprend à ressentir et la bête qui apprend à douter, le contraste fonctionne à merveille.
Néanmoins, je comprends que cette humanisation du Predator puisse en déranger certains. On perd peut-être un peu de mystère, un peu de la brutalité animale qui faisait tout le sel du premier film. Mais personnellement, j’y vois une évolution naturelle, pas une trahison. C’est une façon de faire grandir la saga, d’enrichir ses codes sans les renier. D’autant plus qu’il ne s’agit que d’un seul Yautja, pas de toute l’espèce.
Là où Badlands m’a un peu moins convaincu, c’est dans son changement de ton. En cherchant à séduire un public plus large, le film s’assagit : moins de gore, moins de tension viscérale, plus d’aventure. C’est spectaculaire, mais moins brutal. La chasse n’a plus ce côté primal et oppressant ; on est davantage dans le registre du film d’aventures familial, façon Avatar croisé avec Star Wars.Et pourtant, “film d’aventures” ne veut pas forcément dire “grand public” : on aurait pu rêver d’une version space opera de Conan le Barbare !
Ce n’est pas un défaut en soi, mais ça change la saveur. La saga, qui reposait sur une forme de sauvagerie quasi rituelle, devient ici un univers d’action “tout public”. Ce glissement est accentué par le fait que le film ouvre plus de portes qu’il n’en ferme : beaucoup de pistes narratives sont lancées (certaines passionnantes, d’autres plus anecdotiques), et on comprend très vite que Badlands n’est qu’un chapitre d’une saga plus large. Je ne vais pas mentir : j’aurais aimé un film plus autonome, plus tranché, moins dépendant de suites potentielles. Mais paradoxalement, c’est aussi ce qui me donne envie de revenir : si Disney a vraiment un plan sur plusieurs films, je suis curieux de voir jusqu’où ils iront.
On imagine sans mal que Dek affrontera des Xenomorphes dans un prochain opus. Les rumeurs évoquant les retours d’Arnold Schwarzenegger et de Sigourney Weaver se multiplient également — peut-être en animation, la porte ayant été brillamment ouverte avec Killers of Killers. En sortant de Predator - Badlands, je me suis dit que la saga avait trouvé une nouvelle direction. Plus vaste, plus cohérente, plus ambitieuse — mais aussi un peu moins féroce. Le film réussit là où beaucoup avaient échoué : faire évoluer l’univers sans le dénaturer. Il pose des bases solides pour l’avenir, approfondit le lore, ose une narration différente.
Mais il faudra accepter le compromis : en troquant la brutalité viscérale des premiers films contre une approche plus “aventure spatiale”, Badlands perd un peu de son ADN originel. Malgré ça, je ne peux qu’applaudir la prise de risque et l’envie de faire grandir la mythologie. Et puis honnêtement… j’ai vraiment hâte de voir la suite ! On est fanboy ou on ne l’est pas.


