[INTERVIEW] Lee Dorrian de With The Dead pour la sortie du premier EP
Interview avec Lee Dorrian (chant) dans un bel hôtel façon boudoir intime et chaleureux pour une évocation avec ce gentleman aussi affable et calme que passionné du projet With the Dead dont le premier EP fracassant vient de sortir sur son label, Rise Above Records.
Lee, te voilà donc de nouveau participant a un projet ultra heavy avec With The Dead en compagnie de membres d'Electric Wizard. Qu'est ce qui t'as motivé a être chanteur pour Tim Bagshaw et Mark Greening ?
On ne s’est pas rencontré pour former un nouveau groupe, ce ne s’est pas passé comme ça. Tim Bagshaw habite aux Etats-Unis, il jouait avec Mark Greening dans Ramesses bien après son départ d’Electric Wizard. Mark lui était encore dans le groupe, il a tenu la batterie sur le dernier disque d’Electric Wizard puis s’est éloigné du groupe, il avait perdu quelque chose et voulait passer à une autre. Tim est revenu des Etats-Unis l’année dernière, a continué à voir Mark et lui a proposé de créer un nouveau projet. Tim m’en a parlé car je dirige une maison de disque, Rise Above Records il voulait savoir si j’étais intéressé pour sortir quelque chose ensemble, un EP par exemple. On avait déjà travaillé ensemble car Electric Wizard fait partie du catalogue de Rise Above et je lui ai dit « Oui pourquoi pas, faites moi écouter vos enregistrements et on sortira surement quelque chose ». Il voulait sortir un EP mais je trouve que l’EP est un format trop redondant aujourd’hui et je préférais qu’on se dirige vers un album. A ce stade je ne savais pas de quelle façon je serais impliqué.
Rapidement, Tim a commencé à écrire puis m’a envoyé du matériel enregistré sur un 4 pistes et j’ai beaucoup aimé le truc. Je l’ai trouvé frais, très direct, cru, sans compromis. Je lui ai proposé de jammer avec Mark puis je les ai entendu en studio et c’était assez bon pour en faire un disque. Au début ça restait encore au niveau d’une démo alors je leur ai suggéré de bosser dessus encore quelques mois qu’on puisse enregistrer proprement. Par la suite ils m’ont demandé d’assurer la partie vocale. A force de persuasion j’ai accepté mais je ne voulais pas de compromis car je gère Rise Above à plein temps et après Cathedral je ne savais pas si j’aurais un autre groupe, ou même l’envie d’en avoir un. Une fois familiarisé avec les morceaux, je me suis investi en apportant des idées pour les paroles, en pensant le live et la façon dont je m’exprimerais à travers la musique. Et en mars dernier, on s’est retrouvé en studio et j’ai posé les parties de chant après que tout fut enregistré.
Bref tout s’est passé spontanément mais j’ai été clair en leur signifiant que je n’étais pas intéressé par ce qu’exige un tel projet, à savoir les tournées sans fin, la promo etc. J’avais déjà vécu ça dans mes groupes précédents et je connaissais tout ce processus. Après l’enregistrement on était très content mais paradoxalement on ne voulait pas que ça reste un acte totalement isolé, on pensait à donner peut-être quelques shows, je leur ai bien signifié qu’il fallait prendre les choses comme elles viendraient. En évitant de se prendre la tête, en laissant de côté le stress et la pression, en laissant les choses se faire.
L'entité With The Dead a donc été formée a la base par Tim et Mark en 2014, des titres avaient-ils déjà été composés par eux même ? Quel est ta part de création dans ces 6 titres avant ou pendant vos sessions studios ?
Le matériel était déjà là, et pour être honnête je n’ai rien eu à dire au niveau des compositions, tout était en place et naturel. Ils savaient où ils allaient. Je n’ai eu qu’à poser ma voix et mes paroles. La seule chose que j’ai eu à dire c’est si l’on monte ce groupe il faut qu’il n’y ait aucun compromis il n’y avait pas de règles sauf qu’il soit le plus sombre, le plus oppressant, le plus heavy et brutal possible. Toute la partie vocale a été enregistrée en deux heures, dont deux chansons en une prise, "Crown of Burning Stars" et "I Am The Virus". Je voulais tout garder, que ce soit des chansons rugissantes et spontanées. Aujourd’hui les disques de heavy sont dilués par une production dégueulasse, la batterie est parfaite, les voix sont arrangées avec Auto-tune, il manque l’énergie primaire et nous voulions la garder sur ce disque. On a gardé une production rugueuse, les erreurs sont audibles, le feedback aussi, l’album est tel qu’il a été enregistré.
Quel est le statut de With The Dead pour vous trois ? Un simple projet ou quelque chose de sérieux ?
J’espère vraiment que c’est quelque chose de plus qu’un simple projet, le résultat est trop bon pour juste être sorti et mis de côté. Je ne pense pas que nous ferons une grande tournée mais certainement quelques shows triés sur le volet. Ce qui est sûr c’est que c’est sérieux et que je désire continuer avec ce groupe.
With The Dead te sert donc d'exutoires par rapport a de mauvaises expériences dans le business et la vie professionnelle. Quelles sont les émotions les plus négatives que tu as pu évacuer en écrivant puis en chantant ?
La chose qui m’a le plus manqué en terminant Cathedral c’est de ne plus pouvoir exprimer toutes ces angoisses. J’ai fait partie de Cathedral durant plus de vingt ans et c’était aussi un moyen de balancer toute cette merde, c’était une expression cathartique. C’est ce qui m’a manqué ces derniers temps, ce n’est pas le fait, de tourner, de devoir répondre à toutes les demandes qu’un groupe exige mais bien d’avoir une plate-forme pour m’exprimer. Et ces dernières années il m’est arrivé beaucoup de choses merdiques, avec tout le bordel avec Electric Wizard, j’ai eu des problèmes dans ma vie privée et Rise Above a aussi eu des soucis en interne. Tout ça a entraîné pas mal de frustration, et cet album a eu un effet cathartique, absolument.
Tes années au sein de Cathedral se sont faites avec des musiciens plutôt"amicaux" aux yeux du public. (“So we are Friendly”? demandeLee ironiquement) Mais Tim et Mark ont un passé assez sulfureux, comment te sens tu avec deux musiciens ayant ce background ?
Vous ne semblez pas bien connaître Cathedral (rires), c’est simplement que les choses n’ont pas été publiées! Ce n’est pas comme si je n’avais pas été moi-même chaotique, à abuser de la drogue et de l’alcool, c’est le truc rock’n’roll. Ces dix dernières années, j’ai vraiment calmé les choses à cause de ma santé. Il y a toujours eu beaucoup de chaos autour d’Electric Wizard, surtout quand Tim et Mark y était, il y avait beaucoup de drogues, beaucoup de trucs barges. C’était tout le temps, tous les jours il y avait une histoire avec ces mecs là. Et on était là : “putain c’est quoi encore aujourd’hui?”(rires général). Donc vous vous dites : c’est Lee Dorrian avec deux ex-membres d’Electric Wizard ça ne peut être qu’un putain de chaos...Mais nous sommes plus vieux aujourd’hui, je dirige un label,nous avons tous beaucoup bougé et travaillé, ils ont joués dans d’autres groupes...Les conflits de caractères peuvent toujours arriver, et peut-être y’en aura t-il mais notre premier soucis c’est de sortir cet album, d’assurer si nous montons sur scène. Je ne veux pas être dans un groupe plein de conflits, je n’en ai pas besoin, je préfère que les choses se passent bien et avec respect, je n’ai pas l’énergie d’entrer dans le négatif avec les gens avec qui je joue.
Quel est le futur de With the Dead? Comment allez vous gérer la scène?
Il n’y aura pas de longue tournée, surement quelques shows dans les festivals. Si cela se produit ce ne sera pas avant l’année prochaine car c’est trop tard pour celle-ci. Et nous devrons trouver un bassiste car sur le disque Tim Bragshaw tient la guitare et la basse. Il n’y a pas encore de choses définitives à avancer sur ce sujet.
Cela va faire presque vingt cinq ans que tu es une icône incontournable de la scène doom, autant en temps que musicien quedirigeant de Rise Above Records. Qu'est ce qui te rattache a cette scène et que représente le fait que tu y sois si fortement ancré?
Le doom metal a toujours été à part du reste de la musique heavy, c’est une musique qui a toujours semblé plus émotionnelle, plus expressive, plus profonde, plus spirituelle, plus ésotérique que le métal traditionnel. Pas dans un sens religieux mais dans une voie de traverse, étrange. C’est pour moi la forme la plus intrigante de heavy. C’est toujours resté underground jusqu’à aujourd’hui, il y a vingt cinq ans les gens ne savaient pas ce que c’était, il n’y avait même pas de scène. Et maintenant on dit que c’est une des plus grandes formes de métal, ce qui est bien et aussi étrange pour moi car le doom a toujours été dédaigné par les medias.
Ce culte nouveau autour du doom vous intrigue?
Non ça ne m’intrigue pas, c’est bien que cela devienne populaire. Cette musique a toujours fait partie de moi donc c’est plutôt inhabituel d’être impliqué dans ce mouvement de reconnaissance.
With The Dead est encore un nouveau projet heavy pour toi, mais pourrais-tu un jour monter un groupe dans une veine musicale totalement différente ?
Je ne m’imaginais pas jouer dans ce groupe, je ne me voyais pas reprendre une activité de telle envergure, j’ai déjà beaucoup de boulot avec le label. Sinon ce pourrait être un groupe d’ acid folk ou de jazz, j’aime toute sorte de musique et je ne suis pas obligé de me restreindre au heavy metal. Mais ce que je voulais principalement avec With the dead c’était faire un disque vraiment heavy, plus claustrophobe et intense que tout ce que j’ai fait auparavant.
Lee toi qui est un grand fan de films d'horreurs des années 60/70, quels sont tes 5 films favoris du genre ?
Tombs of The Blind Bead (La Révolte des Morts-Vivants) de Amando de Ossorio
Un film de 1972, c’est mon film préféré et donc mon film d’horreur de référence pour cette période.
Profondo Rosso de Dario Argento
Probablement mon film préféré de Dario Argento.
Lizard’s in a Woman Skin (Le venin de la Peur ) de Lucio Fulci
In The Gates of Hell (L'Au-delà) de Lucio Fulci
Dawn of the Dead (Zombie) de George Romero
Un titre plus évident pour terminer.
Merci Lee!
Cheers guys!
Nous discuterons encore un peu de films d’horreur et de sa visite le lendemain au Père-Lachaise avec sa compagne, Johanna Sadonis de Lucifer pour un hommage sur la tombe de la famille Raspail qui orne la pochette du très beau "The Realm of the Dying Sun” de Dead Can Dance.