My Dying Bride - The Barghest O’ Whitby

Quelques mois seulement après la livraison de leur majestueuse compilation "Evinta", qui fêtait dignement les 20 ans du groupe phare du Doom Death britannique dans un projet musical ambitieux et réussi au-delà de toute espérance, voici que My Dying Bride sort un EP tout aussi radical, "The Barghest O’ Whitby". Le bestiau se veut à la fois un retour aux sources du groupe – c'est-à-dire un Doom Death lent et plutôt furieux, tel qu’on l’avait sur les premiers opus du groupe, "As The Flower Withers" (1992) et "Turn Loose The Swans" (1993) en tête – et une œuvre plus expérimentale, ancrée dans les problématiques musicales que se donne le groupe depuis quelques années. Une particularité ? Cet EP se compose d’un unique titre éponyme, d’une longueur de 27 minutes environ. Pour les besoins de la version LP, le titre est coupé en deux parties distinctes qui se complètent et s’enchaînent à merveille, tout comme le superbe texte écrit par Aaron Stainthorpe, sorte de vaste poème épique, comporte deux parties marquées. 

Il faut ici souligner que le groupe ne s’était jusque là jamais aventuré dans une composition de cette longueur. Leur titre le plus long à ce jour, "The Return To The Beautiful", relecture sur l’album "The Dreadful Hours" (2001) d’un titre phare du premier album, tutoyait le quart d’heure. Ici, il s’agit de frôler la demi-heure de musique, un peu à la manière de ce que proposent des groupes comme Reverend Bizarre, Sleep ou Mournful Congregation, dans un registre musical certes plus radical (Doom dit « traditionnel », Doom psychédélique ou encore Doom funéraire). La question est de savoir si le groupe remplit cet exercice de style avec les honneurs. Et la réponse est un grand, un immense oui ! Ce nouveau projet affirme en effet plus que jamais les dons de compositions de sieur Stainthorpe et confirme – s’il en était besoin – ses immenses qualités littéraires. Toutefois, les deux parties du morceau sont suffisamment marquées pour que l’on puisse y voir deux morceaux différents, ou deux chapitres d’une même œuvre.

Au programme, une ambiance orageuse parcourant les moments charnières du morceau (début, césure, fin) qui rappelle notamment l’ouverture du premier album de Black Sabbath, figure tutélaire de toute la mouvance Doom, une intro lancinante au violon, qui fait le contrepoint habituel avec les riffs d’une lourdeur impressionnante des deux guitaristes. Et surtout, grande nouvelle, le retour d’Aaron Stainthorpe dans un registre de voix hargneux et caverneux. Ses growls évoquent à l’envie des vocaux gutturaux Death ou parfois Black Metal. Et le personnage est décidément en forme. Les autres membres du groupe ne sont pas en reste, notamment le batteur de studio Shaun Taylor-Steels, qui remplace Dan Mullins, et envoie des blasts de plus en plus furieux à mesure que la fin du morceau approche. Tous les ingrédients sont ici réunis et font de cet EP une œuvre somme : la fin lyrique de la première partie du morceau convoque directement un album comme "The Angel And The Dark River" (1995) et son cultissime "The Cry Of Mankind", tandis que la puissance dévastatrice des dernières minutes – ah ! Ces riffs ! – rappelle les heures les plus violentes du combo britannique.  

Bref, cet EP finalement trop court malgré son format inhabituel se déguste d’un trait et sans modération, distillant son venin mélancolique tantôt dans un mode langoureux et dépressif, tantôt avec une hargne qui fait plaisir à entendre et augure du très bon pour l’album à venir. Un coup de maître, à n’en pas douter. Chapeau bas, messieurs !