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May
Lucky McKee est un réalisateur intéressant, qui aime s’impliquer dans des projets bancals (The Woods) et les porter jusqu'au terme, qui à se prendre des échecs critiques au final. Mais avec May, son premier essai, il signe un film assez intriguant, porté par des acteurs vraiment doués, et le tout sur le thème de la frustration amoureuse, en misant tout sur le ressenti de son héroïne à l'ingénuité trash. Pour nous autres, romantiques passionnés, c’est une aubaine qu’il était impossible de rater.
Ce qui rend May aussi intéressante, c’est qu’elle a dès le départ une personnalité de freak. Elle est rejetée par ses camarades à cause d’un défaut physique (un oeil qui louche) qui lui octroie une personnalité non désirée, et se retrouve obligée de transférer ses confidences sur une poupée qui l’accompagnera pendant toute sa vie. May se révèle assez débordante d’idées, ayant pour hobbie la couture et se fabriquant de nouveaux vêtements pratiquement chaque jour dans un style esthétique propre à elle. On s’intéresse d’abord à son quotidien, à ses fantasmes et à sa psychologie amoureuse, pas mal frustrée par sa méconnaissance de l’amour. May, c’est donc la petite amie trash que chaque bisseux de notre espèce a dû rêvé d’avoir un jour ou l’autre (essentiellement pour l'aspect désintéressé, uniquement passionnel). Bizarre à souhait (l’anecdote du chien lors de sa pause déjeuner) et totalement imprévisible (elle comprend la symbolique du film amateur, mais tente de la reproduire dans la réalité), d’abord une personne désirable, elle s’enferme peu à peu dans une sorte de folie générée par ses frustrations amoureuses, piquant des crises de nerfs devant sa poupée dont les vitres de la boite se fendillent peu à peu. Son basculement dans la folie sera d’ailleurs précipité par un évènement en apparence quelconque : la présentation de sa poupée à une groupe d’enfants aveugles, qui la feront tomber par terre et briseront la cabine, avant de tomber eux aussi et de s’ouvrir sur le verre du sol. May bascule alors dans un état second, venant juste d’être larguée par son premier prétendant, et se replie sur elle-même. Son chat sera le premier à en faire les frais dans un accès de rage, et n’arrivant pas à se résoudre à abandonner un ami, elle le conserve au congélateur, incapable maintenant de se détâcher de ses derniers "amis".
Tentant alors sa chance avec un autre, visiblement plus trash que le prédécesseur, elle se retrouvera à nouveau renvoyée à elle-même, bien trop trash malgré elle, ses nerfs n’arrivant pas à supporter l’échec. La seule solution maintenant pour elle est de se fabriquer un ami à la mesure de ses fantasmes. Comme vous vous en doutez, May repose essentiellement sur son actrice principale, Angela Bettis, qui parvient à retranscrire son personnage d’une manière franchement crédible. Après, le film ne fait pas vraiment l’unanimité, car il s’adresse en premier lieu aux personnes cultivant un goût pour le trash et la pureté des sentiments (les envies sont sincères, mais les circonstances viennent peu à peu pervertir les élans romantiques qui naissaient). Le film prend aussi bien son temps pour poser ses enjeux, établir la psychologie de ses protagonistes, et ne se permet des dérapages qu’à partir de son milieu, et qui ne révèlera son potentiel qu’à la toute fin. Mais cela dit, les caractères qui sont décrits dans May bénéficient d'un développement et d’une finesse qui paye, le public réagissant d’abord de manière intéressée en découvrant le personnage, puis de façon frustrée en découvrant qu’elle brisera tout ce qu’elle essaye de toucher, et qu’elle restera incapable de mener une vie de couple normale. Une sorte d’histoire d’amour impossible, où l’amour finit par être délocalisé sur des objets particulièrement tordus. Un premier film parfaitement fonctionnel dans ce registre, et d’une originalité surprenante.
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