Hollow Man - L'Homme Sans Ombre
Paul Verhoeven est l’un des rares réalisateurs à pouvoir provoquer des frissons par la simple mention de son nom. Ce type est une légende, un réalisateur qui a toujours tenté de délivrer du bon travail, et qui y est parvenu au-delà de toute espérance (Showgirls est l’exception qui confirme la règle). Le grand Paul a tapé dans beaucoup de registres, et on ne l’attendait pas vraiment sur un remake, et encore moins dans les années 90. Mais voilà, avec Hollow Man, il signe un remake technologique jusqu’auboutiste qui reprend le propos de James Whale en le développant dans des excès qui réjouiront les cinéphiles. Fort de cet excellent remake, une suite est commandée. La douche froide attendue est bien là… Malgré quelques tentatives intéressantes, ce film ne retrouvera jamais la force de son aîné est sera condamné justement de bacs en bacs jusqu’à ce qu’un curieux naïf vienne l’acheter (sans remboursement possible).
Quoi de plus jouissif qu’un projet pareil ? En effet, avec de gros budgets, Paul n’oublie jamais une chose primordiale : le film doit être divertissant ! Et Hollow Man l’est assurément sur ce point ! Bénéficiant de trucages numériques performants, il s’amuse avec son concept, illustre les phases de disparition-réapparition des organes suivant l’avancée des substances testées, et explore des tas de pistes ludiques dans son dernier acte meurtrier. Mais derrière cette jubilation complaisante dans la violence (car le film donne complètement dans la complaisance ! C’est de la jouissance au premier degré, dans ce qu’elle peut avoir de plus racoleur et d’amoral), il y a des thèmes très forts, qui ne peuvent laisser indifférents. En effet, le film explore tout l’aspect « sexuel » de la liberté offerte par les possibilités de l’invisibilité. On mate à loisir la voisine dans son propre appart, on pelote une collègue pendant son sommeil… Autant d’exemple qui nous font ricaner de plaisir sur le coup, mais qui se révèlent d’autant plus juste que le spectateur masculin se retrouve fréquemment du côté de Sebastian Kane, le scientifique qui se détraque au contact de l’immense pouvoir qui est mis à sa portée (et les profils psychologiques, ça sert à quoi, tas de clampins !).
Subversif dans son propos où n’importe quel individu se tourne vite vers le crime en croyant toute tentative de poursuite vouée à l’échec, Hollow Man lance un engrenage basique mais carré, qui fonctionne parfaitement, en se permettant peu à peu d’instiller une ambiance parano qui perturbera chaque membre de l’équipe jusqu’au dénouement sanglant. Visuellement très fort, le film gagne sur les deux tableaux, prouvant qu’avec un bon réalisateur, on peut avoir un film intelligent et ludique. Le petit point négatif du film restant ce final un peu grandiloquent, où l’on ne reconnaît même plus Kevin Bacon. Kevin Bacon qui tient ici un de ses meilleurs rôles, jouant le génie décontracté et ambigu dont les barrières mentales cèdent les unes après les autres… Elisabeth Shue n’est pas en reste non plus, entrant dans la peau d’une femme à l’aise avec le sexe comme Paul aime nous en présenter.
Plus qu’une série B thunée, c’est un quasi chef d’œuvre que le maître nous offre, son film se posant comme une relecture contemporaine du mythe parfaitement adaptée à notre siècle, et dont la portée des arguments pourra toucher n’importe quel public.