[INTERVIEW] STAIF ET R.U.L DE ETHS POUR LA SORTIE DE "ANKAA"
Interview de Staif (guitare, chant) et de R.U.L (batterie) pour la sortie du quatrième album de Eths, et premier véritable opus avec la nouvelle venue Rachel, au poste de chanteuse. Tous les détails sur "Ankaa", sa conception et son avenir en live ci-dessous :
Parlez-nous de ce nouvel album ? Qu'est-ce que "Ankaa" de nouveau dans la discographie de Eths ?
Staif : Beaucoup de choses, à commencer par une nouvelle chanteuse. Avant, je faisais pas mal de choses en termes de composition. Je composais quasiment tout et je faisais même les textes. Pour ce disque, j'ai écrit les textes, j'ai fait la prod et j'ai essayé d'amener une entité, un truc différent et d'aller plus dans le pictural. Sur le plan culturel, j'ai essayé d'amener des références encore plus lointaines et plus diverses.
Le titre fait référence à l’étoile Alpha Phoenicis, mais on sent que l'album a l'air de parler aussi de l'Egypte antique. Dis nous en plus.
Staif : En gros, toutes les civilisations anciennes me passionnent. L'Egypte en fait partie, mais il y a aussi les civilisations un peu plus mythiques comme l'Atlantide ou le Kumari Kandam, le continent perdu de Mu… Les symboles, les savoirs perdus, tout ça me fascine. Ça a été un premier truc. Je suis également fasciné par les étoiles, le cosmos... J'ai mis tout cela là-dedans. Il y a aussi un peu de spiritualité, quelque part derrière. Dans Eths, on a toujours eu un rapport à la religion, sans la prôner ou la décrier. Je pense que ce rapport à la religion est inhérent à l'homme. On dit que l'homme s'est dissocié quand il a commencé à croire. Ça a un peu été un déclencheur. On dit que c'est ce qui différencie aussi l'homme de l'animal. L'animal ne va pas dans des temples pour prier. Après, le concept s'est un peu développé par lui-même. Quand j'ai commencé l'album, je ne me suis pas dit que j'allais parler de telle ou telle chose. C'est plutôt au fur et à mesure que j'ai vu qu'il y avait des trucs très noirs et d'autres beaucoup moins. Après, j'ai architecturé l'album comme une balade où on partirait vraiment de la cave sombre, les pieds dans le sang et la putréfaction, pour monter petit à petit dans la lumière.
Donc on peut parler d'un concept album, en fait ?
Staif : Oui, si on veut.
On a l'impression que Eths développe de plus en plus son côté ethnique. Est-ce quelque chose qui pourrait être développé de plus en plus, à l'instar de Sepultura avec "Roots", ou est-ce que ça reste une seconde couche?
Staif : J'avoue que ça me plaît beaucoup. J'apprécie surtout l'apport de nouveaux sons. J’aime vraiment la nouveauté et j’aime bien le jeu des sonorités et celui des contrastes, en fait. C’est ça que ça amène. Et puis, comme je le disais, ce côté « anciennes civilisations » me nourrit et me fascine, voire m’obsède tellement ça fait partie de moi ! Je leur en parle tout le temps ! (Rires).
Ca me passionne aussi ! Eths, c’est maintenant vraiment un trio, un noyau dur. Comment ça se passe ? Est-ce que des musiciens comme R.U.L. peuvent être intégrés au groupe ?
Staif : Oui, bien sûr ! Après, il y a deux entités. Il y a notamment le groupe qu’on est sur scène, dont R.U.L. fait entièrement partie. Ce n’est pas un musicien de session, au même titre que Rachel ou Damien. Sur cet album, en termes de création, j’étais un peu seul à bord. C’était à la fois une volonté, mais aussi, quelque part, quelque chose de nécessaire pour garder l’identité du groupe, si on veut. Rachel ne se sentait pas forcément à l’aise sur l’écriture des textes. On a un peu essayé, mais elle n’était pas vraiment dedans et elle avait conscience que j’avais une idée très précise des choses. Elle a préféré me laisser faire et se focaliser plutôt sur l’interprétation. Elle a quand même énormément travaillé.
Le style de cet album est justement très éloigné du neo metal que pratiquait Eths auparavant. Le groupe est présenté maintenant comme un groupe de modern metal, mais à l’écoute de l’album, il y a pour moi un côté gris qui en ressort, puisque tu parlais de l’aspect pictural. On peut parler d’extreme metal avec Eths. Il y a ce côté ethnique comme chez Sepultura, mais dans le metal extrême.
Staif : Ouais, pourquoi pas ! Ça me plaît ! Depuis le début, on fait du métal et je dirais même de la musique, avant tout ! (Rires) Mais c’est vrai que ce côté neo metal a pris une connotation péjorative au fil des années. Je préfère le côté modern metal car ça correspond mieux au truc, à ce melting-pot d’influences. J’aime le côté tribal, comme tu dis, mais aussi électro ou classique, des trucs plus baroques et d’autres vraiment plus lugubres, quoi ! Ils peuvent venir du black, même si je n’en écoute pas vraiment. J’aime l’esthétisme sonore de ce genre de musique et ce que ça peut procurer.
Comment ça va se passer, pour la scène ? Ce sont des titres très ethniques. Il y a une collaboration avec la chanteuse Sarah Layssac de Arkan . Sur scène, y aura-t-il des samples ? Des guests ?
Staif : Des samples et des guests autant que possible, bien sûr. On est justement en plein travail sur ça. C’est en train de se monter. Je ne peux pas encore tout dire parce que je ne sais pas encore tout moi-même. On est en train d’expérimenter des choses, mais c’est sûr que pour la tournée… Pour l’instant, on ne joue que deux nouveaux morceaux, on n’est pas dans le vif du Ankaa Tour, mais dès septembre, ce sera le cas. J’ai envie qu’on apporte vraiment un concept scénique à l’image de l’album, quitte à ce qu’on soit effectivement plus de quatre sur scène, pour obtenir une touche en plus. Bien évidemment, il y a toujours eu des samples car on a toujours aimé les orchestres et ce genre de choses, mais on n’a pas les moyens de tourner avec un orchestre ! (Rires)
Comment se fait-il que Dirk ait enregistré les parties batterie et pas R.U.L. ?
Staif : Parce qu’il est arrivé après, tout simplement !
R.U.L. : J'ai appris pas mal de compos pour les lives. C'était impossible d'apprendre, de s'imprégner du style de Eths, qui est quand même un style assez particulier à jouer, et ensuite d'entrer en "record" direct.
Staif : Même si on s'était contactés 3 ou 4 mois avant, ça aurait été vraiment plus compliqué puisqu'il y avait une grosse attente sur l'album. Rentrer déjà dans le groupe et tout... Mais lui, il est arrivé et ça l'a fait direct !
Du coup, qu'est-ce que tu pourrais apporter si tu devenais membre à part entière ?
R.U.L. : En matière de jeu ?
Oui, entre autres.
R.U.L. : En matière de jeu, j'ai un style plus death, plus droit, au final. Je pense que ça apporte de la régularité sur le jeu, mais il faut maintenant avoir le groove de Eths. C'est du travail, mais c'est vachement marrant ! C'est cool ! Je suis à l’aise sur tout ce qui concerne les parties rapides. J'aime ça. Pour tout ce qui est groovy, il faut réussir à s'imprégner de Eths, tout simplement, car c'est une manière d'aborder la musique que je ne connaissais pas, que je n'ai pas pratiquée. C'est un gros travail. J'apporte peut-être des bases solides. Je ne vais pas dire qu'avant, ce n'était pas solide, mais je pense que la base est là. Maintenant, il n'y a plus qu'à mettre le spirit à 1000 % !
Et récupérer un peu de force ! (Rires) Sans revenir sur tout le brouhaha autour de Rachel, vous avez perdu beaucoup de fans, mais d'un certain côté, vous en avez gagné d’autres. C'est écrit dans la bio. Beaucoup de gens disaient que Eths était fini, mais vous continuez finalement à vendre beaucoup de disques. D'après toi, qu'est-ce qui a fait que vous êtes restés à un certain niveau ? Vous n'avez pas disparu, comme certains l'auraient voulu.
Staif : C'est vrai. C'est dur à dire. Honnêtement, je ne sais pas. Je pense que ça tient au fait que Rachel pouvait succéder à Candice, vocalement parlant. En tout cas, en ce qui concerne le cri. On travaille encore sur le chant. C'est clairement moins son registre et elle l'assume. Sur le cri, il n'y a rien à dire. C'est ce que je dis depuis le départ. Si je n'avais pas trouvé une chanteuse capable techniquement de passer derrière Candice, j'aurais purement et simplement arrêté le groupe. Les fans ne s'en rendent pas forcément compte, mais étant pilier et créateur, je suis le premier fan de mon groupe. Ce n'est pas possible pour moi que le groupe ne soit pas au niveau où il doit être. Je pense qu'il y a cet élément-là, mais le fait que chaque album soit différent du précédent compte aussi, malgré tout. Ça déstabilise beaucoup, mais ça fait aussi notre identité. Peut-être que ce changement choque moins, au final. Même si Candice a été très longtemps présente, on changeait quand même à chaque nouvel album. Elle changeait sa façon de crier, moi ma façon de composer. On a toujours voulu amener un truc différent. A chaque album, il y a eu le lot de fans mécontents qui partaient et ceux qui arrivaient en nous disant : "Je n'ai jamais aimé Eths, mais cet album défonce !" C'est ça qui est génial.
D'accord. Dernière question. Auriez-vous un mot pour les fans ou pour ceux qui ne vous connaissent pas ? Libre à chacun de dire ce qu’il souhaite.
R.U.L. : Un mot pour les fans ? D'abord, bien entendu : merci. Merci d'écouter et de chercher à comprendre ce nouvel opus. Il est différent de tous les autres. Merci à tous. C'est vachement cool ! Vu qu'il y a un bon retour, ça donne envie de pousser le délire plus loin, de faire plus de scène et d'envoyer le steak à 1000% !
Staif : Merci à tous ces fans qui sont restés dans la tempête, qui nous ont soutenus. Il y en a eu quand même beaucoup. Certains nous ont tourné le dos, mais d'autres nous ont soutenus. Merci à eux tous. J'ai une pensée aussi pour la tripotée de fans brésiliens qui sont là, quoi qu'il arrive. Ils sont toujours là, ils nous aiment. Ils continuent à suivre ceux qui ne sont plus dans le groupe. Ils sont vraiment géniaux ! Quant à l'album, pour les premiers retours, merci de lui avoir laissé sa chance, d'avoir été ouverts à cette différence. J’engage surtout tous ceux à qui ça plaît d'aller en profondeur dans les textes, de creuser dans les instrus. Il y a plein de choses que je n'ai pas cachées, mais comme on parlait du côté pictural et films, je l'ai vraiment fait comme ça. Il y a différents niveaux de lecture. Il y a des pistes à droite et à gauche. Je vous engage vraiment à chercher. Je suis un grand fan de Tool et j'adore ce genre d'album qu'il faut écouter plusieurs fois. Quand on l’écoute à nouveau 15 ans plus tard, on rattrape le retard, on redécouvre un truc. J'ai vraiment essayé de peaufiner ce nouvel opus.
Parfait ! Absolument parfait.