[INTERVIEW] Créatures pour la sortie de "Le Noir Village"
Nous ne pouvions passer à côté de nous entretenir avec Sprada, la tête pensante multi-instrumentaliste de Créatures, pour la sortie de son premier album "Le Noir Village". Entre black-metal cru et violent et dark metal horrifique, les amateurs de concept album, d’histoires inspirées par les monstres mythologiques et les vieux films d’épouvantes se doivent de soutenir la venue de cette nouvelle entité sur la scène du metal extrême.
Raconte nous l'histoire qui a menée à la naissance de Créatures.
Dès que j’ai commencé la pratique musicale, il y a dix ans, j’ai eu envie de m’exprimer entièrement dans un projet solo afin d’avoir la liberté de créer sans aucune limite, sans aucune concession. Elaborer des chansons qui me ressemblent en étant seul du début à la fin est quelque chose de fort gratifiant. J’ai décidé de faire des albums conceptuels qui racontent des histoires car c’est ce que j’appréciais chez des artistes tels que King Diamond, et c’est déjà comme ça que nous travaillions avec mon premier groupe de black folk, Hanternoz. C’est ainsi qu'a vu le jour la première démo, en 2009, puis, après 7 ans de travail, l’album "Le Noir Village", que j’ai récemment sorti sur mon propre label, Antiq.
Quel est donc l'histoire de ce « Noir Village » ?
"Le Noir Village" narre l’histoire du Cloaric, un village paysan du XIIème siècle en proie à d’horribles monstres. Vous y rencontrerez au fil des six titres (pour une heure de musique) un loup-garou, un vampire, des morts qui reviennent à la vie, des invocations démoniaques, etc. Tous les personnages du récit sont interprétés par des chanteurs différents qui s’expriment à la première personne, la musique appuyant l’intrigue.
Pour toi, la musique de Créatures serait plutôt qualifiée de black metal ou de metal horrifique ?
Créatures est très difficile à définir car je ne me ferme à aucun style. Dans l’ensemble, on peut dire que les riffs, les « paterns » et la voix sonnent black metal, mais j’y incorpore également des passages doom, death, heavy, sympho, ambient… Je fais intervenir de nombreux instruments « atypiques » tels que de l’orgue, du piano, de la thérémine, des trompettes, du violon, des percussions asiatiques, etc. C’est pourquoi j’aime qualifier Créatures d’horror metal, car ça définit davantage le concept et l’ambiance générale de la musique que la musique elle-même. La plupart des chroniqueurs qui voulaient qualifier Créatures par sa musique l’ont défini comme étant du « black metal expérimental ».
Te sens-tu plus à l’aise dans la composition de titres dissonants, théâtraux et épiques comme "Martyr d'un Tanneur", "Il Etait Un Monstre", "Sous Le Visage Avenant de la Mort" ou des titres plus directs comme "L’Horreur des Lunes Plaines" ou "Cadavre Abandonné" ?
A vrai dire, je ne me pose pas vraiment la question. Ce n’est pas vraiment moi qui décide de l’ambiance d’un morceau, mais plutôt le scénario de l’histoire que je raconte et la psychologie des personnages que j’y développe qui s’imposent à la composition. C’est ça qui va définir si tel passage va être lent ou rapide, mélancolique ou joyeux, calme ou épique, progressif ou rentre-dedans, etc.
L’inspiration de Créatures venant principalement de King Diamond et Notre Dame, sa musique ne pourrait-elle pas se placer également aux côtés d'un groupe comme Carach Angren ?
Je ne suis pas vraiment fan du black sympho consensuel : les gros riffs puissants peu inspirés, les orchestrations de cordes faites au synthé, la batterie ultra triggée, la voix black sans âme… Je ne me sens pas plus proche de Carach Angren que de Dimmu Borgir ou Cradle of Filth. Mes influences en sympho se situeraient plutôt du côté d’Arcturus, Tartaros ou Le Grand Guignol.
En dehors de la musique, as-tu des inspirations venant du cinéma, de la littérature ? Quelles en seraient les œuvres de référence ?
Les monstres qui interviennent dans Créatures sont tombés depuis longtemps dans la culture populaire. Leurs représentations sont donc issues à la fois du folklore, mais aussi de la littérature, du cinéma, du jeu vidéo. Je ne me suis pas vraiment basé sur des œuvres particulières, mais plutôt sur l’imaginaire collectif que ces figures de l’horreur évoquent. Je pourrais, par exemple, citer en vrac Bram Stoker, Allan Poe, les films de La Hammer, Evil Dead, les jeux Silent Hill, Resident Evil, Forbidden Siren, etc.
Planches-tu déjà sur la prochaine histoire du groupe ?
Bien sûr. L’histoire du prochain album ne se concentrera que sur un unique monstre. Il s’agira d’une sorte de thriller fantastique médiéval.
Vas-tu continuer à jouer principalement seul des instruments ou t'entourer de musiciens ? Envisages-tu des concerts ?
Comme pour "Le Noir Village", je continuerai de faire le maximum seul, ne m’entourant d’invités que pour enregistrer les instruments que je ne maitrise pas moi-même. Je pense également continuer à ce que chaque personnage soit incarné par un chanteur différent, car je trouve que cela apporte une vraie théâtralité et une diversité intéressante. Cependant, je mettrai surement à l’avenir moins de personnages dans mes histoires et prendrai le temps de davantage les développer.
J’aimerais beaucoup jouer Créatures sur scène, mais ce serait extrêmement compliqué à mettre en place. On verra si je trouve des musiciens de session motivés.
Ce côté théâtral doté d'une grande variété d'instruments pourrait-il être développé davantage pour de nouvelles compositions ?
Comme je l’ai dit plus haut, je ne m’imposerai jamais de limite dans la composition. Après, il faut quand même reconnaitre que la richesse des titres les rendent parfois indigestes pour certains, et je ne voudrais pas tomber dans l’excès inverse, à savoir mettre beaucoup d’instruments et des riffs trop variés juste pour ajouter de la complexité aux morceaux. Par contre je compte améliorer la théâtralité en travaillant mieux l’interprétation des personnages, en prenant le temps de bien diriger les prochains invités, comme le fait un metteur en scène avec des acteurs.
L'aspect visuel macabre de Créatures et l'atmosphère des clichés de l'album mériteraient largement une vidéo pour un titre. Est-ce une chose que tu envisages ?
J’ai déjà réalisé un trailer vidéo que vous pouvez retrouver sur le Facebook de Créatures et la chaîne YouTube d’Antiq Label. Je ne pense pas faire de clip à proprement parler car la vidéo est quelque chose de très complexe et risqué : si on n’y met pas les moyens, si on n’engage pas des professionnels avec du matériel de qualité et des connaissances solides en cinéma, le rendu devient très vite « cheap » et ridicule, surtout avec un thème horrifique.