[INTERVIEW] Greg Mackintosh de Paradise Lost pour la sortie de "Medusa"
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Il y avait bien longtemps qu'un groupe ne nous avait pas surpris par un changement de style aussi profond dans sa musique. Même si l'on avait perçu le changement depuis "In Requiem" et plus particulièrement "Faith Divides Us Death Unites Us", Paradise Lost a décidé de revenir sans retenue à ses racines les plus doom et extrêmes avec son nouvel album "Medusa", à paraître le 1er septembre chez Nuclear Blast. Nous avons pu interviewer Greg Mackintosh (guitare) afin d’en savoir plus sur un cet album qui surprendra plus d'un fan du groupe anglais, en attendant notre chronique.
Twain : "Medusa" est l'album le plus doom et le plus épuré que vous ayez sorti depuis "Lost Paradise". Le chant de Nick Holmes est moins présent que sur d'autres opus. Une partie de votre public pourrait le qualifier de suicide commercial. Qu'en pensez-vous ?
(supris et amusé) Un "suicide commercial" ? Tout dépend de ce que tu entends par "commercial". On utilise le même terme pour qualifier une participation à "Danse avec les stars" ou un passage sur une chaîne tous publics, et pourtant, c'est différent. "Medusa" n'est évidemment pas aussi accessible que notre dernier album, qui commençait par "No Hope In Sight" très entraînant, très efficace. Là, le titre d'ouverture repose beaucoup plus sur des accords, et il est très empreint de funeral doom. J'aime ce genre de choses. Ça change. Les titres sont moins accessibles que par le passé, mais de là à parler d'un suicide commercial...
Antephil : C'est moins mélodique. Nick chante moins qu'avant.
Mais la guitare est bien plus présente, en revanche. "Medusa" est l'album le plus riche en riffs que nous ayons réalisé depuis "Shades of God", me semble-t-il.
Twain : Depuis "In Requiem", sorti en 2007, Paradise Lost ne cesse d'enfoncer ses racines doom plus profondément encore. Medusa serait comme le dernier clou que l'on plante sur un cercueil. Le son du groupe fait beaucoup penser à celui d'Autopsy. Quels ont les éléments déclencheurs de cette orientation ?
Eh bien, dans les années 88-89, on écoutait beaucoup Autopsy. D'ailleurs, on aimait les mêmes choses : les premiers albums de Candlemass, de Trouble, un peu de death metal... On voulait mélanger les genres. C'est la bande-son de notre jeunesse. Je mettrais le premier album de Candlemass dans mon top 3, tout comme les premières réalisations de Trouble. Dans les années 80, on a simplement mélangé le death et le doom et c'est ce qu'on refait aujourd'hui.
Twain : "Medusa" ne propose que 8 titres. Etait-ce voulu ou est-ce une forme de retour aux sources du format des années 80 ?
Nous voulions un album qui dure à peu près 45 minutes. Au final, il en fait 43. Nous avons écouté les 8 titres et il nous a semblé qu'il n'y avait rien à ajouter. Le mieux est l'ennemi du bien. Je ne veux pas que les gens s’ennuient au bout d'un moment. Je veux que l'écoute de l'album leur soit agréable plutôt qu'ils se mettent à dire : "Oh, ça me saoule, tiens j'arrête !". L'album est bien tel qu'il est. Placer quatre titres sur chaque face, c'est... La musique, on a grandi en l'achetant, alors il nous semblait important de bien choisir ce qu'on allait placer sur chaque face. Comme ça, les gens peuvent dire : "J'aime bien le 1er titre de la face B de "Medusa"...", par exemple. Enfin, c'est mon avis. On s'est peut-être un peu trop pris la tête avec cette notion, après tout. Je ne suis pas sûr que les gens accordent beaucoup d'importance à ce qu'on choisit de mettre sur la face A plutôt que sur la B, mais pour nous, c'était un vrai sujet.
Antephil : Est-ce que votre producteur Jaime Gomez Arellano vous avait donné des directives ?
Notre producteur est un producteur à l'ancienne, dans le bon sens du terme. Aujourd'hui, dans le milieu du métal, beaucoup de producteurs ne travaillent qu'avec leurs yeux, et je n'aime pas cela. Ils se contentent de fixer un écran et de suivre la musique telle qu'elle y est retranscrite. Le nôtre écoute et juge à l'oreille si notre musique est bonne. Sur cet album, on a travaillé de façon expérimentale. Le résultat final a été très peu retouché. Il nous a suffi d'un micro dans le studio. Le résultat est brut comme un live.
Twain : La musique électronique vous influence-t-elle toujours ?
Antephil : La part d'électronique était plus présente, dans le passé. Aujourd'hui, on la sent beaucoup moins dans vos compos.
J'aime toujours la musique électronique. J'aime tous les styles de musique. J'ai des amis qui adorent la scène horrifique, qui est très électro. Tu peux aimer différents types de musique et, à un moment donné, un genre va t'inspirer plus qu'un autre. L'album "Host" illustrait parfaitement ce que nous voulions faire à l'époque, tout comme le fait "Medusa" aujourd'hui. De même, dans 10 ans, nos influences auront certainement changé. Il faut exploiter nos sources de motivation, et non pas livrer la musique que les gens ont envie d'écouter.
Twain : De la même façon, quelles sont vos inspirations, en matière de doom ?
Il y a des groupes de doom que j'apprécie. Je ne dirais pas qu'ils sont une source d'inspiration pour autant, mais j'ai vraiment aimé certains concerts que j'ai vus récemment. Je pense notamment à un groupe de black/doom. J'étais en déplacement à Salem, dans le Massachussets, à l'occasion de l'enregistrement de l'album de Vallenfyre. Je cherchais des groupes sur le site Bandcamp et j'ai découvert une groupe. J'ai trouvé leur musique vraiment sympa. A mon retour, j'ai vu qu'ils se produisaient dans une salle près de chez moi. Je m'y suis donc rendu. C'était une petite salle de 50 personnes, peut-être. J'ai trouvé leur concert très bien. J'ai acheté leur T-shirt, leur CD... Musicalement, c'est du doom, mais les vocaux sont plutôt black. C'est vraiment sympa! J'aime aussi beaucoup Graves at Sea. Du doom de très belle facture.
Twain : Avec "Fear Those Who Fear Him", le son de Vallenfyre, ton deuxième groupe, est devenu plus brutal. On pourrait presque dire que Paradise Lost et Vallenfyre ont échangé leur style respectif !
(Gregor rit) : Je veille à bien faire le distingo entre les deux groupes, mais Vallenfyre aiguise mon appétit pour les styles très brutaux, le son bien lourd. Je ne sais pas vraiment l'expliquer... J'aime jouer du doom, mais Vallenfyre me correspond plus. Je n'ai pas vraiment à travailler quoi que ce soit. C'est du pur plaisir, un peu comme sortir le samedi soir et boire quelques verres ! Je ne sais pas si les styles des deux groupes pourraient se mélanger.
Twain : La question que se posent tous les fans, c'est : si Paradise Lost continue à s'orienter vers un métal doom très intense, le groupe ne craint-il pas qu'une partie de son public lui tourne le dos ?
Si on veut continuer sur cette voie, on le fera. Si le public veut nous bouder, qu'il le fasse ! On ne pourra rien y faire. Si on veut changer de voie et repartir un peu vers l'électro, on le fera. Je ne suis pas inquiet. Notre dernier album est comme une photographie de l'instant présent. Il est l'illustration sonore de nos influences actuelles. J'avais vraiment envie de revenir un peu vers le doom. On voulait composer des titres au son bien lourd.
Twain : "The Plague Within" était un peu comme ça aussi, mais "Medusa" est plus lourd.
Oui. Le dernier titre de "The Plague Within" qu'on a composé était "Beneath Broken Earth", et le rendu final nous a agréablement surpris. On a adoré jouer ce morceau sur scène. Du coup, on s'est dit qu'on allait composer tout un album dans cet esprit.
Twain : Penses-tu que les titres de "Medusa" colleront bien au le style de Paradise Lost, sur scène ?
A mon avis, oui. Cette année, on joué "Beneath Broken Earth" sur scène. Le titre signait la fin de notre set, sous une lumière rouge. Je crois que ça a vraiment plu aux spectateurs. On jouait le titre en restant bien fixes. Une fois le dernier accord posé, la foule se faisait entendre, et c'était fantastique ! Je dirais que c'est un titre qui fonctionne très bien, en live. J'ai hâte de jouer "Fearless Sky", le morceau qui ouvre l'album. Il y a plein de nouveaux titres que j'ai envie de jouer, en fait !
Twain : Paradise Lost est l'un des premiers groupes avec Celtic Frost à avoir inclus des vocaux féminins. Cela faisait longtemps que vous n'aviez pas enregistré de duo avec une chanteuse. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Dans les années 1990, lorsque le terme "gothic metal" est apparu, il se trouve que les vocaux féminins étaient assez rares. Ca arrivait de temps en temps. Petit à petit, la mouvance du gothic metal s'est amplifiée, et on s'est mis à utiliser ce terme à toutes les sauces, pour qualifier la musique de groupes comme Nightwish ou Evanescence. Nous n'avons rien de commun avec ces formations-là ! Il nous a fallu nous en écarter parce que ça devait une entité à part entière, avec les vocaux féminins, la dimension lyrique... Moi, ce n'est pas mon truc. Ca me va à petite dose.
Twain : Le label Music For Nations a réédité récemment certains de vos albums. Que pouvait-il y apporter ?
Ce serait trop long d'en parler. Tout ce que je peux dire, c'est que Music For Nations va continuer à rééditer certains albums, que cela nous plaise ou non. Comme cela nous concerne, nous avons voulu nous assurer de la conformité du projet. Nick et moi nous sommes donc rendus à Music For Nations, la semaine dernière. On a discuté avec eux afin de voir comment ils procédaient. Tout va bien. Ils remastérisent et rééditent certains albums. Rien d'alarmant.
Twain : En parallèle, tu oeuvres donc aussi pour Vallenfyre. Est-ce que l'on peut aborder le sujet plus précisement ?
Tout à fait ! L'album est sorti ce mois-ci (en Juin dernier ndr) et j'en fais aussi la promotion.
Twain: Peux-tu nous parler un peu de cet album ? Y a-t-il chez Vallenfyre des éléments que tu n'avais pas chez Paradise Lost ?
Je trouve que la musique de Paradise Lost est mélancolique, sophistiquée, savamment pensée. Vallenfyre est tout le contraire ! Sa musique est très rapide et chaotique.
Antephil : Proche du grindcore et du crust ?
Je ne pense pas à un style en particulier. Je m'efforce simplement de donner le meilleur de moi-même. Je veux simplement retrouver l'émotion que j'ai ressentie à l'écoute des premiers albums de Napalm Death et d'Autopsy. Je ne cherche pas à inventer quoi que ce soit. Je veux seulement que le résultat m'emballe. Je veux que ça m'enthousiasme. L'objectif n'est pas du tout de ressembler à Paradise Lost. C'est complètement différent. La musique de Vallenfyre est bordélique, plein de colère, violente.
Twain : Qu'as-tu pensé de l'album "Grand Morbid Funeral" de Bloodbath auquel Nick a participé ?
Je l'ai trouvé pas mal du tout. Nick n'a jamais été un grand fan de death metal américain. De mon côté, j'ai adoré les premiers albums de Morbid Angel, mais je n'ai jamais été vraiment fan du studio Morrisound. Bloodbath a sorti quelques albums au son très death américain. Avec l'apport de Nick, le groupe retrouve un style plus européen, ce qui me convient plus. Alors oui, j'ai trouvé l'album plutôt bon.
Twain : Est-ce que Paradise Lost a prévu une tournée autour de Medusa ?
On va d'abord se produire dans des festivals. Une tournée de 8 semaines commencera à la fin du mois de septembre. Nous passerons par la France en octobre, me semble-t-il.
Twain : Au Trabendo.
Oui, on jouera au Trabendo, à Paris.
Twain : Vous vous y êtes produits il y a deux ans. J'y étais. Une bonne performance !
C'est vrai ! J'aimerais beaucoup jouer à l'Elysée-Montmartre, qui vient de réouvrir. On s'y est souvent produits, avant qu'il ne brûle. J'aurais eu envie de voir à quoi ressemble le bâtiment remis à neuf, mais les réservations de salle sont déjà bouclées. Quand on part en tournée, il n'est pas toujours évident de réserver les salles qu'on préfère. Je pars également en tournée avec Vallenfyre. Ce sera une petite tournée. Elle débutera le 10 septembre, pour une durée de deux semaines et demie.
Twain : Elle se cantonnera au Royaume-Uni ou elle traversera l'Europe ?
Elle passera par l'Europe. On fera quelques salles ici et là, et puis je repartirai avec Paradise Lost ! En fait, la première date de Vallenfyre, c'est à Londres, le 10 septembre. Je me produis avec Paradise Lost à Dubai juste avant. Je prendrai l'avion dans la nuit !
Antephil : As-tu un mot à adresser à tes fans, à nos lecteurs ?
Oui, j'espère que vous aimerez notre nouvel album, notre "suicide commercial", comme tu l'as dit ! (rire)