No Terror In The Bang - Heal
"There is no terror in the bang, only the anticipation of it". Derrière cette citation du grand Alfred Hitchcock qui donne son nom au groupe (et qui signifie en gros "La peur ne vient pas du boum, mais de son attente") se cache l'essence du combo originaire de Rouen. Jouant une sorte d'electro prog metal cinématographique, NTITB (oui, j'ai la flemme de réécrire le nom à chaque fois) préfère donc laisser planer sur ses morceaux une atmosphère menaçante qui n'explose qu'à la fin, plutôt que de marteler du blast tout le long. Un choix qui pourra déplaire à certains auditeurs préférant l'efficacité immédiate, mais saura trouver ses fans parmi ceux aimant les morceaux à atmosphère... Et le cinéma !
Trois ans après leur premier opus, le déjà fort sympathique "Eclosion", les normands sont donc de retour avec "Heal" qui transforme l'essai. Pour rester dans l'analogie Hitchcockienne, le Maître disait "Meilleur est un méchant, meilleur est le film". Si c'est assez réducteur et ne fonctionne pas dans 100% des cas, c'est assez évocateur de ce qui peut marquer dans un film. Et sur "Heal" à défaut de méchant, je parlerais de l'incroyable vocaliste, Sofia Bortoluzzi ! Déjà rien qu'à l'évocation de son nom, elle transpire la musique. Et en effet, "Meilleur est le vocaliste, meilleur est le groupe" (cette citation est de moi par contre). Ayant expérimenté auparavant dans le jazz et le hip hop, Sofia a une palette vocale suffisamment large pour tenir la dragée haute aux expérimentations délirantes des zikos. Passant du chant clair aux growls démoniaques, avec une multitude de nuances intermédiaires. Imaginez Lena Scissorhands d'Infected Rain qui fusionne avec Bjork, vous aurez à peine esquissé ce qu'elle peut donner !
Né sous l'impulsion du batteur Alexis Damien (Carnival in Coal, Pin Up Went Down, Wormfood) et de la dite Sofia en 2019, NTITB comprend en ses rangs un spécialiste des musiques de films au piano, Romain Greffe, Etienne Cochin (ex-Aeslesya) et Clément Bernard aux guitares, ainsi que Brice Bouchard à la basse. Si je ne connais pas tout le monde en dehors du groupe, on sent qu'on a affaire à des musiciens non seulement chevronnés, mais surtout complémentaires les uns des autres. Et si "Eclosion" avait justement "éclos" avec toutes les contraintes du confinement, ici c'est dans l'ère post Covid que "Heal" a vu le jour. Ce qui a permi à l'évidence lorsqu'on écoute l'album, bien plus de liberté !
Sur cet opus se mêlent donc pêle-mêle du prog, du djent (ça on me l'a dit, car j'avoue n'avoir pas encore compris ce qu'était le djent), l'indus, le trip-hop, le jazz et bien sûr les B.O. de films. On peut donc tout aussi bien avoir des passages flippants pouvant rappeler Pascal Laugier comme sur "King With No Crown", ou d'autres oniriques évoquant plutôt Tim Burton (particulièrement le titre "Hostile" et ses passages de piano, me rappelant furieusement Danny Elfman). Les passages calmes et éthérés annoncent souvent une explosion qui peut même partir dans un délire cyberpunk. En gros, tout est possible chez NTITB !
Partant dans une multitude de directions, "Heal" reste pourtant cohérent tout le long, fort d'une thématique assumée et jouissant d'une vocaliste qui risque de faire très fort parler d'elle. Un son à la fois futuriste et retro, angoissant et mélancholique, puissant et doux.... A l'évidence NTITB est un groupe sur lequel il va falloir compter, n'hésitez pas à y jeter une oreille attentive, au casque, pour bien en saisir toutes les nuances, et si possible à également écouter le premier opus dont celui ci est la prolongation... En attendant un troisième opus pour former une trilogie ?