Hostel
Incontestablement Hostel est un des plus gros électrochocs cinématographiques. Principalement parce qu’en tant que précurseur du genre, le film se permet une plongée dans la violence assez estomaquante, maltraitant ses protagonistes avec une sévère amoralité (le sort de Josh) en conservant tout de même une certaine limite de crédibilité (les sévices ne sont pas au final tellement montrés en plein cadre, le passage le plus gore restant à mon avis, avec la scène de l’œil, l’évacuation des cadavres). Cette certaine retenue, largement perceptible, permet d’éviter le second degré dont faisait preuve la première partie en concrétisant les fantasmes de nos protagonistes avec une douce perversité. En termes de thématique, la partie horrorifique du film est un cri assez violent contre le capitalisme, qui en vient à monnayer des gens afin de rendre des services déviants pour de riches acheteurs. Un discours particulièrement noir et bien illustré par des dialogues bien plus fins qu’ils n’en ont l’air (avec le chasseur dans les vestiaires, ou encore le chirurgien allemand). On aura plus tard un nouvel argument sur l’exploitation humaine, avec les gosses commettant un meurtre pour un sachet de friandises. Par ailleurs, le premier degré du script n’en reste pas moins intelligent en essayant de faire intervenir une certaine finesse dans son script, en dévoilant les psychologies de chacun (victimes dans une première partie, et bourreau dans quelques passages de la seconde (le coup du bâillon)).
La structure même du film, brisant les clichés avec Josh et faisant de son unique survivant un sportif avec une mutilation et un traumatisme conséquent, est un choix assez original, le propos s’affranchissant ici d’une quelconque morale. Mais se focaliser uniquement sur l’aspect horrorifique du film serait assez réducteur, l’introduction de se dernier allant aux antipodes des attentes du public. En prenant pour héros des jeunes mâles libidineux qui sautent à pieds joints dans la mare après avoir vu trois photographies, le film fait aussi un portrait peu flatteur des comédies de cet acabit (tout est assez grossis, les enjeux sont clairement le dépucelage du littéraire et l’amusement des sportifs), et a d’abord l’air de préparer des victimes neuneu pour un massacre général (ils se droguent, ils forniquent : ils vont crever). Mais au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans les pays de l’Est, la caractérisation de nos personnages évolue. Oli se révèle être un père qui se prend encore pour un adolescent, et Josh développe une sorte d’affection légèrement homosexuelle avec le voyageur du train, qui reviendra plus tard dans l’histoire. On n’est pas habitué à de telles finesses de personnages dans ce registre (le dernier l’ayant fait en date étant American Beauty). Quant à Paxton, il garde enfoui un traumatisme qu’il a eu pendant sa jeunesse où il a été incapable de sauver une petite fille de la noyade. Une fois les protagonistes caractérisés avec plus d’épaisseur, s’en séparer devient franchement plus dur. Et d’ailleurs, la comédie se pervertit de plus en plus au fur et à mesure que les fantasmes masculins se réalisent, la mascarade se révélant par un comique de répétition qui provoque immédiatement une mise en abîme assez impressionnante.
En bref, d’un bout à l’autre (la conclusion partira sur l’inévitable transformation du caractère du survivant), le film évite de s’enfermer dans le piège du torture porn tout en en exploitant les ficelles. Du gore qui tâche et qui a un peu plus de matière que les rejetons qui suivront : voilà une bonne raison de ne pas rater ce bestiau.