Lords Of Chaos
Basé sur le bouqin culte sorti en 1998, publié chez nous aux éditions Camion Blanc, Lords of Chaos revient sur les débuts pour le moins mouvementés du légendaire groupe de Black Metal norvégien Mayhem, et par association de Burzum également, en passant en revue toutes les anecdotes connues sur le sujet.
Le film assume dès le début être une reconstitution plus ou moins fidèle, prenant certains parti pris, illustrant certaines rumeurs pas forcément fondées, occultant d'autres faits établi. C'est comme ça, les biopics musicaux ne sont jamais 100% conformes à la réalité. The Dirt et surtout le très romancé Bohemian Rhapsody nous l'ont bien montré. Mais ici, ce n'est pas aussi excessif dans le lissage. En effet, le film va au contraire insister sur les éléments les plus sales et malsains du groupe, quitte à délaisser grandement la musique.
Soyons clairs, ce film n'est pas mainstream et n'est pas à montrer à n'importe qui. Il est peu probable, contrairement au film sur Queen que si votre mamie tombe sur Lords of Chaos elle devienne par la suite fan de Mayhem et Burzum. Avec sa photographie terne (surprenante venant d'un réal tel qu'Akerlund, connu pour ses clips de metal assez soignés, ayant également bossé avec Lady Gaga) et une mise en scène très typée "Sundance", le film n'est clairement pas attrayant, il faut vouloir le regarder ! Principalement, il s'addresse donc à des gens connaissant déjà un minimum l'histoire, ou au moins s'y intéressant un minimum.
Revenons donc un instant sur l'histoire, on y voit donc l'arrivée et le suicide d'un Dead complètement halluciné (excellente performance d'acteur), la "création" du son "True Norwegian Black Metal", le recrutement de Varg Vikernes, la fondation du label d'Euronymous, les coulisses de l'Inner Circle, les oppositions idéologiques entre un satanisme de façade pour se donner une image "evil" et un anti-christianisme revendiqué et pratiqué, exhutoire d'adolescents immatures et mal dans leur peau allant beaucoup trop loin dans leur délire. Le film se termine évidemment par le meurtre d'Euronymous par Varg. Si les acteurs sont loin d'être tous particulièrement ressemblants, les performances sont en revanche à saluer. Surtout ceux jouant Varg et Dead. Rory Culkin (oui oui, le petit frère de Macauley) n'est pas en reste également dans son rôle de manipulateur superficiel, suggérant des "trucs evil" qu'il ne commettra jamais lui même, tout étant dans le paraître, mais n'hésitant pas une seconde à s'attribuer les mérites de ce Dead et Varg ont pu faire. Quitte à créer des frictions terribles !
Et c'est sans doute sur ces choix narratifs que le film divisera le plus, entre les pro Euronymous et les pro Varg. Car, aussi surprenant que cela puisse paraitre il y en a. Il n'y a pourtant qu'à lire les interviews surréalistes du bonhomme depuis qu'il est sorti de prison, pour savoir que c'est un sale type de la pire espèce. Ainsi le choix du film est de faire de lui l'archétype du blackeux bête et méchant prenant tout le folklore BM au premier degré, là où Euronymous n'est qu'une rockstar ayant trouvé un crénau. Ces partis pris qui influenceront forcément les spectateurs pourront donc déranger selon ce qu'on a choisi de croire. Tandis que ceux qui découvrent l'histoire par ce biais auront forcément une vision s'alignant sur celle que présente Akerlund.
On notera néanmoins dans les défauts du film, la mise de côté de l'aspect musical, car avant d'être des assassins brûleurs d'églises, Mayhem est avant tout un groupe ! Si on a quand même droit à une séquence sympathique de répétition et à une ou deux scènes de concerts, c'est très secondaire dans l'intrigue. Pour ce qui concerne Burzum, on ne voit absolument rien de ce côté là, ce qui est très frustrant. La partie sur l'Inner Circle est assez floue également. Si on ne connaît pas l'histoire, on y voit juste une bande d'ados rebelles assez pathétiques, voulant former leur propre groupe contre la société. Ce qui est assez réducteur, l'aspect idéologique passant à la trappe. On ne comprend également pas du tout contre quoi ils veulent se rebeller, ils sont tous d'un milieu bourgeois, ne manquent pas de fric, n'ont aucun soucis particulier (à part Dead qui était complètement fou), ont un groupe qui plait, se tapent plein de nanas sans arrêt. De quoi se plaignent ils exactement ?? Clairement le film a foiré cet aspect là en montrant juste une bande d'abrutis, dont seul Euronymous semble lucide...
Lords of Chaos est un film bourré de défauts. La faute à des choix narratifs douteux, des approximations biaisés et pas mal de mauvaise foi. Mais il comporte suffisamment de prises de risque pour contrebalancer ces caricatures. Les acteurs sont pour la plupart assez corrects et pas mal de faits et d'anecdotes (notamment celle sur le patch Scorpions de Varg) connues des fans y sont retranscrites. Si ce n'est pas le biopic ultime qu'on aurait souhaité et qu'on peut même être déçu du visuel avec un réalisateur habituellement si doué, il faut bien reconnaître que ça tient malgré tout du miracle que ce film existe et soit aussi violent et sans concession ! Alors plutôt que de faire les puristes, il faut saluer l'initiative, peut être ainsi que d'autres oeuvres du même genre verront le jour, de meilleure qualité peut être ? Un film pas parfait, mais intéressant et qui a le mérite d'exister, d'un nihilisme surprenant venant d'Hollywood !