Deranged
Nouveau biopic psychopathique avec le personnage d’Ed Gein. Précédemment, nous avions déjà étudié le cas d’Ed Gein, le boucher, un petit film qui s’appuyait essentiellement sur l’interprétation de son personnage principal, délaissant totalement le gore pour un climat moral poisseux et quelques visions fantasmagoriques où nous épousions son point de vue. Deranged n’a pas ces ambitions, il assume d’ailleurs pleinement son côté bis en balançant du gore à la gouache, jouant à fond la carte de l’exploitation avec un présentateur digne d’un « faites entrer l’accusé » nous gratifiant de détails morbides supplémentaires. Il en résulte une œuvre étrange, aussi voyeuriste qu’attachée à ses personnages.
L’histoire : Ezra Cobb vit seul avec sa mère, lui procurant des soins jusqu’à sa mort. Passé cette étape, sa solitude se mue en obsession nécrophile, puis en obsession sexuelle tournée vers les femmes.
Autant le relever tout de suite, les noms ont été changés essentiellement pour des raisons d’exploitation, afin de pouvoir prendre la plus complète liberté de ton au niveau des personnages. Si le narrateur qui traverse le film (en parlant souvent à la caméra (et donc au spectateur), en balançant de la psychologie de comptoir et des détails indiscrets sur les différents personnages de l’histoire) ne cesse de nous répéter qu’il s’agit d’une histoire vraie (au cas où on ne l’aurait pas assez compris), le film traite de son histoire sous un angle totalement bis, ce qui appelle donc à nuancer les images que l’on va voir. Si il ne veut jamais lâcher son authenticité (certainement par désir de choquer davantage), le film montre ses scènes trash comme autant de scènes chocs divertissantes, où il cherche à étaler au maximum l’ambiance morbide qui règne autour du personnage.
Commençant d’abord par déterrer sa mère et la réinstaller dans sa chambre, il se met bientôt en quête de peau humaine pour réparer les dégâts de la décomposition, et commencent ainsi l’escalade nécrophiles qui se terminera par les meurtres ayant entraîné son arrestation. Bien conscient qu’il ne s’agit que d’un fait divers, le film fait donc un portrait amoral d’Ezra Cobbs, même si l’agressivité du commentateur se révèle être un guide moral assez hypocrite. Peu avare en cadavres décomposés (qui forment bientôt une assemblée réunie autour d’une table à thé dans la chambre maternelle), le film cultive donc le trash en prenant son temps, en laissant Ezra s’épanouir au milieu de cet univers en putréfaction pendant qu’il continue de fréquenter des amis en villes, ainsi que leurs familles. Si le premier meurtre, un peu tiré par les cheveux, nous lance sur la voie de l’obsession d’Ezra pour les femmes, c’est avec la seconde, une catholique sensible à la solitude de notre psychopathe, que le film prend une vraie dimension bis divertissante, et cerne ses deux personnages avec une justesse rare. Une amusante mise en abîme peut être faite, massacre à la tronçonneuse, sorti la même année, s’étant officiellement inspiré d’Ed Gein, on trouve un facile air de famille entre les deux films, pour la scène du repas surtout…
Traitant ses personnages de façon respectueuse, s’attardant sur des scènes gores où le sang rouge fluo trahit immédiatement le côté peinture, on touche là au temps fort du film. Le reste ne sera qu’une petite descente d’intensité, s’achevant avec l’arrestation d’Ezra, conformément au fait divers retracé. Sans parler de performance d’acteur, il est bon de noter que l’ensemble du casting fait de gros efforts d’implication, et que si Ezra est évidemment au centre du récit, les personnages secondaires sont également soignés, le tout pour un film bis dont les ambitions trash se révèlent finalement adaptées à l’histoire illustrée.