
Tusk
Kevin Smith nous gratifie d’un film d’épouvante-horreur teinté de comédie. D’ordinaire, avec ce réalisateur, nous sommes plutôt dans la comédie. Un tel plongeon dans ce genre antinomique eût pu être extrêmement casse gueule, tant les écueils et les clichés sont nombreux, et qu’il est facile de tomber dedans (voir la chronique du très mauvais Extraterrestrial). Kevin y parvient malgré tout, sans renoncer à ses premières amours : la comédie. On retrouve le côté critique du sieur Smith, surtout dans la première partie du film, présentant les personnages et le pourquoi du comment nous allons en arriver au dénouement, forcément tragique. Il s’agit d’un film d’horreur après tout.
Devant le pitch, nous restons dubitatif. C’est l’histoire d’un podcaster américain (probablement célèbre vu que ses voyages passent en notes de frais) qui interview des « fail celebrities » et autres personnages farfelus (dans un but purement moqueur au premier degré, a priori). Sauf que son sujet ne peut être interviewé, et notre « héros » change de cible suite à une petite annonce aperçue dans les toilettes d’un bar (oui, on est totalement dans le glamour). Et c’est à ce moment que cela dégénère… Il est à noter que cette histoire délirante est basée sur une petite annonce réelle sur laquelle Kevin Smith a débattu sur son podcast (sommes-nous pas loin du vécu ?). Voici un extrait de cette annonce, qui a pour but la recherche d’un colocataire par un ex naufragé en mer : « Pour devenir mon colocataire, vous devez être prêt à porter un costume de morse pendant 2h par jour environ (en pratique, pas 2h chaque jour, il s’agit plus d’un ordre d’idée de la charge qui vous attend). Une fois dans le costume, vous devez ÊTRE un morse : il ne doit pas y avoir de parole telle qu’un homme le ferait, avec une voix d’homme, et toute communication doit se faire sur l’intonation d’un morse. »
Ne le cachons pas, notre film parle de morse, et d’horreur. On retrouve l’idée de la transformation d’un être humain en… autre chose, à l’instar de The Human Centipede, en « version câline » dixit son auteur. C’est là que réside l’intérêt et le délire du film. Lors d’une interview, Kevin Smith déclare : « Je ne cherche pas à faire mon Kubrick, bordel. Je parle de faire un film avec un putain de gars dans un costume de Morse. Pour la faire courte, c’est juste dingue à quel point nous sommes malgré tout proche de faire quelque chose de vraiment bon ! ». Et nous sommes en présence d’un film un peu long, pas vraiment bon mais pas mauvais non plus, quelque peu banal, mais néanmoins suffisamment intriguant pour qu’on aille jusqu’au bout. Ce qui est un peu paradoxal, il faut bien l’avouer.
La séquestration du héros est poussée à son paroxysme, et, à partir d’une séquestration qui vire au cauchemar, le spectateur arrive finalement à une parodie de film d’horreur, force et faiblesse de cette réalisation. Le rôle du taré de service est endossé par un excellent Michael Parks, pour qui le rôle va à ravir, qui nous présente un personnage totalement habité par son délire ; on est dedans, on y croit. Le héros, quant à lui, est aussi bien interprété par Justin Long, qui endosse le rôle du « connard » imbu de sa personne, prêt à se moquer d’autrui pour faire son beurre, et qui est pris dans un engrenage infernal à cause de sa soif de sensationnalisme. Le tout agrémenté par un Johnny Depp (on sent le copinage) burlesque à souhaits en détective déchu canadien et d’amis prêts à tout pour retrouver leur pote, si imbuvable soit-il.
Pourtant, même si l’envie de découvrir un dénouement heureux ou funeste, le film traine en longueur. La séquestration et le délire, si bon fût-il, du personnage de Michael Parks, les tentatives de se délivrer de la situation du héros tombent à plat, ramollissent jusqu’à ne plus avoir envie. Seul le fait de connaître la finalité nous fait rester devant l’écran. Là où The Human Centipede avait un fond (lointain, certes) réel de relier plusieurs individus entre eux, la transformation envisagée par le fou furieux délirant ne tient pas debout. Et les maquillages ne sont pas à la hauteur du délire. Cela transpire le plastique, le latex, et bien que l’envie de l’équipe maquillage fût certainement de satisfaire Kevin Smith, ça ne tient pas du tout la route.
Cela reste néanmoins à voir, pour la curiosité et cet ovni dans la filmographie de Kevin Smith, mais cela n’est pas impératif.
